« Mon combat pour l’inclusion »

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Julien Richard-Thomson est un « militant de la première heure » (selon les mots du CNC) d’un cinéma plus inclusif et diversifié… Gros plan sur ce combat mené par un réalisateur lui-même atteint d’un handicap.

Le réalisateur en pleine délibération du jury de la Sélection Entre 2 Marches (Cannes 2023)
Le réalisateur en pleine délibération du jury de la Sélection « Entre 2 Marches » (Cannes 2023)

Tu as toujours été une personnalité un peu à part dans le cinéma français. On connaissait ton gout pour le cinéma de genre, ta capacité à produire des films à très petits budgets façon DIY (tu en es un des pionniers en France), aujourd’hui on t’entend beaucoup sur le thème du handicap…

En effet, j’ai tendance à m’engager à fond pour les causes qui me passionnent. Figure-toi que j’ai mis un certain temps à réaliser que j’étais moi-même une personne en situation de handicap, je suis atteint du SGT (syndrome Gilles de la Tourette) et pour cette raison ma carrière a été très ralentie et semée d’embûches, j’ai longtemps été mis de côté par les producteurs et les décideurs du cinéma français. Cette mise à l’écart je la devais un peu à mon amour pour le cinéma fantastique et les comédies absurdes, j’ai un style assez personnel c’est vrai, mais mon handicap était le principal obstacle quand bien même il ne m’empêche pas du tout de faire mon job de réalisateur ou de scénariste. C’est un problème d’image. Les producteurs et investisseurs hésitent à faire confiance à une personne en situation de handicap, voilà pourquoi on en voit très peu dans les métiers du cinéma et de l’audiovisuel. Je me suis dit qu’il fallait que ça change et j’ai fondé le SPCH, le premier syndicat des professionnels du cinéma en situations de handicaps, visible ou invisible. J’ai aussi réalisé un long-métrage sur le sujet, produit pour Ciné Plus.

 

Ton film Pas de bras, pas de cinéma? a reçu un excellent accueil critique. Tu es – en partie au moins – à l’origine de l’opération du CNC « Les uns et les autres« , tu es invité dans de nombreux salons et festivals… Aujourd’hui tu as le sentiment d’être entendu ?

Oui, la cause avance. L’opération Les uns et les autres, dont le jury a été présidé par Sandrine Bonnaire en 2022 puis Dominique Farrugia cette année, permet chaque année de financer de nombreux projets d’insertion professionnelle des personnes handicapées.

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Table-ronde au FEMA de La Rochelle, Leslie Thomas secrétaire générale du CNC débat avec Julien Richard-Thomson

J’essaie de porter cette cause dans les médias pour alerter le grand public mais aussi de sensibiliser le milieu professionnel, je participe ou j’anime régulièrement des débats ou des masterclass  (par exemple au Satis, au festival de Cannes et bien d’autres évènements)… Le 16 septembre j’anime une table-ronde au festival de la Fiction de La Rochelle sur le thème « vers une fiction plus inclusive », j’ai invité des producteurs et des représentants de grandes chaines TV et de plateformes pour envisager les pistes pour que les séries TV donnent toute leur place aux comédiens, artistes ou techniciens handicapés…   Honnêtement j’ai l’impression que les mentalités évoluent, les choses bougent enfin. Pour revenir à mon film, je l’ai présenté en de nombreuses occasions, notamment au festival de Cannes, il m’a même permis de figurer dans Télérama (avec une bonne critique) pour la première fois de ma carrière ! (rires) Il sera diffusé bientôt au CNC lors d’une séance spéciale à l’intention des professionnels.

 

Julien Richard-Thomson entouré du tandem Toledano-Nakache pendant le tournage de son documentaire Pas de bras, pas de cinéma?
Julien Richard-Thomson entouré du tandem Toledano-Nakache pendant le tournage de son documentaire Pas de bras, pas de cinéma?

Le SPCH dispose-t-il de gros moyens ?

Pas encore mais nous sommes pris au sérieux, notre voix commence à porter et c’est l’essentiel. Nous sommes pris en considération et consultés par les institutions, des professionnels d’autres pays me contactent régulièrement pour s’inspirer de notre démarche. Nous nouons des partenariats avec d’autres syndicats et associations professionnelles. Cela me prend énormément de temps, et malheureusement je ne peux pas me consacrer entièrement à cette cause car je développe aussi de nombreux projets professionnels, films et livres…

 

Quelles sont les principales revendications du SPCH?

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Masterclass à la Cité Européenne des Scénaristes

Nous proposons de nombreuses évolutions pour que le cinéma français devienne plus inclusif et diversifié. Par exemple nous militons pour la création par le CNC d’un Bonus Inclusion, un bonus financier pour encourager les projets de films incluant des personnes en situation de handicap dans les équipes. Nous souhaitons aussi une réforme de l’intermittence, avec un nombre d’heures adapté pour les professionnels reconnus en situation de handicap (RQTH)… Mais je me consacre surtout à la sensibilisation des professionnels, par exemple il y a quelques mois au Forum des Images (Paris) j’ai co-organisé une masterclass avec la Cité Européenne des Scénaristes, les jeunes auteurs doivent prendre conscience qu’il est important d’intégrer des personnages handicapés dans leurs histoires afin de permettre à des comédiens handicapés d’être validés lors des castings…  Moi-même, dans les projets que je développe, je veille à me montrer inclusif dès le stade de l’écriture : maintenant c’est aux décideurs et investisseurs de soutenir les bons projets !

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