Julien RICHARD-THOMSON est le président du premier Syndicat des professionnels du cinéma en situation de handicap (SPCH) annoncé à l’occasion du festival de Cannes.
Tu as créé le premier syndicat des professionnels du cinéma handicapés, pourquoi cette idée ? Quelle a été ta motivation ?
Tout simplement car je suis personnellement concerné, puisque je suis en situation de handicap. Cela m’a fermé de nombreuses portes et donc je connais que trop bien les difficultés rencontrées par les personnes handicapées qui désirent se lancer dans ce type de carrières. Ce sont des métiers « élitistes », qui sont déjà difficiles d’accès pour une personne parfaitement valide, alors si vous avez un handicap, une différence ou une infirmité, cela devient pratiquement impossible d’envisager une carrière. Je pensais depuis longtemps qu’il fallait faire quelque chose pour ouvrir le monde du 7 eme Art aux personnes aux situations de handicap… J’avais déjà écrit des tribunes dans la presse (L’Obs, Le Huffington Post, le Figaro…) rencontré des parlementaires ou des ministres comme Sophie Cluzel (chargée du handicap) ou Adrien Taquet qui avait signé un rapport sur l’inclusion quand il était député… Avec quelques amis nous avons fondé le SPCH, dont nous sommes allés annoncer la création au festival de Cannes.
Quel a été l’accueil par les festivaliers ?
Nous avons reçu un excellent accueil, très encourageant. L’avantage de profiter d’un tel évènement est de pouvoir contacter un maximum de décideurs en quelques jours, ils sont tous réunis et relativement accessibles. Je suis intervenu dans une table ronde, j’ai parlé aux responsables du CNC, du CSA et de différentes organisations professionnelles. J’ai assisté également au festival Entr’2 Marches, qui présente des films sur le handicap, dans un petit cinéma à quelques centaines de mètres de la Croisette. Il y a de nombreuses initiatives partout en France pour ouvrir la culture aux personnes handicapées. Je veux me battre pour à la fois pour favoriser l’accès à la culture aux publics les plus divers, mais aussi pour encourager ces personnes à s’engager sur des carrières artistiques lorsqu’elles sont douées et passionnées. Le handicap ne doit plus être un obstacle insurmontable.
Que faudrait-il faire concrètement ?
Nous avons déjà quelques idées. Il faut agir dans plusieurs directions. La formation, avec un effort du côté des écoles de cinéma. L’an dernier j’avais écrit à toutes les écoles et une seule m’a répondu (l’école du Crotoy) cela démontre un certain malaise. Il faut aussi améliorer la visibilité des personnes handicapées, elles sont douze millions en France mais on ne les voit nulle part. Elles sont souvent invisibilisées dans la vie et sont absentes des écrans, à quelques exceptions près (la série Vestiaires par exemple ou les films comme Intouchable, La famille Bélier etc). Une enquête a montré que la représentativité des handicapés est environ de 0,6% sur nos écrans. Il faut surtout que les personnes en situation de handicap soient aidées dans leurs carrières, leurs projets doivent être soutenus avec une attention particulière.
Que peuvent faire les organismes publics ?
Le cinéma français étant extrêmement encadré et financé par l’Etat, la puissance publique peut faire beaucoup. Le CNC mène une politique ambitieuse pour favoriser la parité homme/femme au cinéma, avec des incitations financières pour les producteurs. En toute logique nous proposons de faire la même chose pour les personnes en situation de handicap. Produire un projet porté par un cinéaste handicapé ou engager des handicapés dans une équipe de tournage doit apporter une subvention supplémentaire, cela fera évoluer les choses rapidement. On ne peut pas accepter que les personnes en situation de handicap soient les seules oubliées de la politique culturelle française.
La plaquette de présentation du SPCH : SPCH recto SPCH verso