Julien Richard-Thomson a récemment remis un rapport sur le cinéma français à la ministre de la culture, et publié plusieurs tribunes sur le cinéma dans Le Figaro et L’Obs, dans lequel il fait de nombreuses propositions…
Tu as publié un rapport sur le cinéma français et plusieurs tribunes dans des quotidiens, tu es vraiment un cinéaste engagé…
Ca ne date pas d’hier, je me passionne pour de nombreux sujets et bien entendu, la politique culturelle. Je fais notamment partie d’un think-tank, Démocratie Vivante, pour lequel j’ai rédigé en effet un rapport sur le cinéma : Penser le cinéma français de demain. Pour cela, pendant des mois j’ai rencontré de nombreuses personnalités politiques, des professionnels du cinéma (producteurs, distributeurs, exploitants…), des syndicats, comme le Syndicat des Producteurs Indépendants par exemple… J’ai écouté leurs revendications, je leur ai soumis mes idées également et j’en ai tiré des propositions simples pour améliorer deux choses. D’abord, aider les petits producteurs à faire leurs films, le cinéma français est encore beaucoup trop élitiste et les jeunes talents n’ont pas toujours la possibilité de débuter. Ensuite, permettre au public de voir les films, car la plupart des films français sont mal ou pas distribués en salle.
Il y a un très grand nombre de films français produits chaque année, environ 220 c’est énorme non ?
Sur le plan quantitatif, en effet, on peut dire que le cinéma français se porte bien. Mais il y a un écart qui s’accroit entre les gros films, surfinancés, et les « petits films » qui se font dans des conditions de plus en plus précaires et qui ne parviennent pas à trouver de diffuseurs. Je ne pense pas qu’il y ait trop de films produits, comme le pensent certains.
Comme le déclarait récemment la ministre de la culture Françoise Nyssen «il n’y a jamais trop de création». Il faut donc permettre aux cinéastes de s’exprimer, en faisant évoluer la réglementation, par exemple la chronologie des médias. Les petites productions, qui n’ont pas la chance de disposer d’une exposition suffisante en salles, doivent pouvoir être proposées très rapidement sur internet au bout d’un mois par exemple. Aujourd’hui c’est interdit, la plupart des films ont donc du mal à trouver leur public.
Tu défends la diversité au cinéma, tu as écrit que tous les genres devaient être considérés…
Tu connais mon intérêt pour le cinéma de genre, qui est systématiquement rejeté par les décideurs et les organismes. Les choses sont en train de changer, puisque le CNC a justement annoncé qu’il allait subventionner 3 films de genre par an, mais cela fait encore trop peu… Je suggère d’introduire dans les jurys des commissions du CNC un petit quota de spectateurs, cela aiderait à ce que les films subventionnés soient un peu plus variés.
Comment ont été reçues tes propositions ?
J’ai publié une tribune dans le Figaro qui a eu pas mal d’écho mais je dois dire que la ministre Françoise Nyssen, qui était destinatrice de mon rapport, n’a pas encore répondu. Je ne m’attends pas à ce que les choses changent radicalement mais je veux apporter ma modeste contribution, afin qu’on prenne conscience que le cinéma français est une chance pour notre pays, mais qu’il recèle quelques fragilités. Le système est trop conservateur, trop hermétique, il témoigne d’une très forte reproduction sociale comme d’ailleurs la société française dans son ensemble. On peut améliorer le système pour faire un cinéma plus vivant, plus varié, qui donne vraiment leur chance à tous les auteurs et cinéastes.
Tu viens de signer une autre tribune, dans le Nouvel Obs cette fois, intitulée « Personne ne doit être empêché de faire du cinéma »...
Cette autre tribune parle du handicap, un sujet tabou, qui me concerne personnellement. Selon de récentes études, les personnes en situation de handicap ont trois fois moins de chances d’obtenir un emploi, c’est bien pire encore dans le milieu du cinéma et de l’audiovisuel. La plupart des artistes en situation de handicap ne se voient pas offrir leur chance, rares sont ceux qui peuvent un jour accéder aux moyens de s’exprimer en cinéma ou en télévision, qu’ils soient comédiens, scénaristes, metteurs en scène… J’ai moi-même été confronté à ce problème, ce qui a énormément freiné ma carrière. Je me suis enfin décidé à témoigner et à agir, car il me paraît essentiel de donner leurs chances aux personnes de talent en situation de handicap, mieux, de faire naître des vocations et d’encourager ces personnes à opter pour des carrières artistiques, car elles ont elles aussi un point de vue sur le monde. Et pas seulement en tournant des films « sur le handicap ». Concrètement je propose par exemple la création d’un fonds spécial dédié aux projets portés par des personnes en situation de handicap.
J’ai pu discuter récemment avec la ministre en charge du Handicap Sophie Cluzel, ainsi qu’avec des parlementaires comme Adrien Taquet (auteur d’un rapport sur l’inclusion), qui encouragent ma démarche. Je dois maintenant convaincre le CNC et les Régions de faire un geste…